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Interview "Où va la photo?"

Jean-Christophe Béchet, « Où va la photo Acte IV », Réponses Photo Hors série, n°11 (novembre 2010).

publication Reponses Photo 06

JC Béchet - Pourquoi nommes-tu ta série « le temps des grenadines »?
Enfants, la grenadine était pour nous le rafraîchissement du dimanche et des sorties familiales. Aujourd’hui malgré la diversité excessive des boissons, mes fils sirotent toujours des grenadines à l’eau. C’est un sirop intemporel, symbolique de l’enfance.

JC Béchet – Un cycle à la fois intemporelle et fortement lié à une période de la vie, l’enfance…
Les trois chapitres volontairement intemporels grâce au contexte extérieur naturel et à l’utilisation du noir et blanc subissent des variations d’époques à travers certains détails. De ce fait, ils décrivent des valeurs inaltérables à l’égard du temps et des générations - jeux, saveurs, sensations, comportements, croyances, émotions. L’intégralité de cet ensemble est actuellement constituée d’une soixantaine de photographies. La série est en progression depuis six années, j’espère la conclure par l’édition d’un livre quand les verres de grenadines seront à jamais vides.

JC Béchet - Le choix de travailler en n & b s’est-il imposé d’emblée ?
Quelles que soient mes séries, mon travail personnel a toujours été en noir et blanc. C’est ma vision du monde et une passion photographique. Ma bibliothèque est constituée majoritairement de livres photo noir et blanc. J’ai cinquante ans, enfant j’ai grandi avec la télévision en noir et blanc, c’est une influence culturelle et sociologique de mon approche photographique. C’est aussi un moyen pour moi de produire mes images de A à Z d’être l’unique interprète de la lumière, du contraste et de la tonalité de mes tirages. Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, le noir et blanc n’est pas une vision passéiste, des auteurs contemporains renouvellent avec talent cette écriture photographique.

Dan Aucante Le temps des grenadines bulle

JC Béchet - à ce propos, fais-tu toi-même les tirages ?
Oui et je tiens beaucoup à l’interprétation unique d’une image. Pour une photo limitée à quinze exemplaires, j’essaye de nuancer différemment les masquages de chaque tirage. C’est toute la différence avec les séries limitées produites par des machines. La concession que je pourrai faire est s’il est nécessaire d’aller au cela du format 40x50, je n’ai pas la logistique, je ferai donc appel à un tireur professionnel qui saura comprendre mes envies.

JC Béchet - Comment fonctionnes tu pour vendre tes tirages ? (quel circuit de vente? Tes tirages sont-ils numérotés ?
Mes photographies sont limitées à 15 exemplaires maximum toutes tirées par moi-même, signées et numérotées. Elles sont virées au sélénium pour une plus longue conservation. Charlet me représente, c’est grâce à lui que pour la 2e année consécutive j’expose au festival international de Pyngiao en Chine. Cette année ce fut «le temps des grenadines » sur le thème de la connivence.

JC Béchet - Tes images laissent une grande place au hasard et aux accidents photographiques, peux-tu nous parler de cet attrait pour l’imperfection ?
Certaines de mes photographies sont dans l’instinct et le hasard, dans ce cas j’utilise l’Holga appareil bas de gamme aux résultats aléatoires et oniriques que j’ai appris à dompter avec les années. J’aime cette prise de risque, l’incertitude du résultat et le frémissement de la découverte. Bien sûr il y a des déceptions, mais nous avons besoin du hasard et de l’imperfection pour dynamiser nos vies. L’érosion par le temps et la lumière est aussi une bonne définition de la présence de ces accidents dans mon travail. D’autres séances sont préparées avec une idée précise, un choix de situation et de lieux dans ce cas l’Hasselbald et le Pentax 67 sont mes partenaires.

JC Béchet - N’y a-t-il pas une part de nostalgie dans ton approche ? La revendiques-tu ?
Je ne suis pas nostalgique, je peux regretter tout au plus les beaux soirs d’été de ma jeunesse grenadine, c’était les années soixante-dix pleines d’espoir. Actuellement l’avenir de nos enfants est moins simple à envisager. Si « Le temps de grenadines » inspire une humeur nostalgique, pourquoi pas, mais c’est surtout la description d’un ensemble de valeurs qu’il faut absolument sauvegarder au travers du temps qui passe.

JC Béchet - Quels sont les photographes qui t’ont marqué ? De qui te sens tu proche ?
Ma première passion, est HCB, surtout l’avant magnum jusqu’en 1936, la période surréaliste. À propos du portrait, j’ai une grande admiration pour Richard Avedon et Auguste Sander. Certains livres m’ont marqué, plus que l’œuvre entière d’un photographe, le « New York 54-55 » de William Klein ou le « Mala Noche » d’Antoine D’Agata. J’ai découvert également le merveilleux livre « Sound of running summer » de Raymond Meeks. Je citerai également : Keith Carter, Magaret M Delange, Juan Manuel Castro Prietro, Debbie Flemming Cafery, Mickael Ackerman et surtout Klavdij Sluban pour la pureté du silence de ses images.

JC Béchet - Comment vois-tu l’évolution de ton travail photo ?
L’œuvre d’un photographe est façonné par la curiosité, les rencontres et les initiatives. Commencer une nouvelle série peut-être le fait d’un ensemble de paramètres réunis à un moment donné. J’ai des idées, mais je n’ai pas de plan de carrière, je suis un instinctif, la suite de ma photographie ressemblera à ma vie. J’envisage un retour aux sources, à la terre natale, des paysages et une suite de portraits, toujours en noir et blanc.

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